Par François chauvin, photos Dams
Une convention où les tatoueurs passent d’une falaise à l’autre suspendus à une tyrolienne, pagaient en rythme sur un lac bleu turquoise. Une convention où les habitants d’une petite cité thermale se découvrent une soudaine passion pour le tatouage.
Oui, pendant un week-end, les 5 et 6 juillet derniers, dix mille personnes (selon la gendarmerie !) se sont baladées dans les rues de Chaudes-Aigues.
De mémoire de Chaudesaiguois (ils et elles sont moins de mille à vivre ici à l’année), on n’avait jamais vu ça. Bon, jusqu’à ce premier Festival du Tatouage, les animations d’été de l’unique cité thermale du Cantal se résumaient grosso modo à un festival de chorales et au thé dansant organisé chaque dimanche au rez-de-chaussée du casino.
Stéphane Chaudesaigues, Chaudes-Aigues : tu as déjà sans doute, lecteur, lectrice, remarqué l’homonymie entre le célèbre tatoueur français et ce bourg du Cantal.
C’est dans la même logique que Stéphane Chaudesaigues a travaillé d’arrache-pied pendant deux bonnes années à l’organisation de cet évènement (et c’en était vraiment un !) à Chaudes- Aigues : essayer de rendre au monde du tatouage tout ce qu’il lui avait offert et suivre à l’envers le chemin de ses ancêtres, de Paris au Cantal.
Et ce faisant, d’amener des tatoueurs (qui mettaient pour certains, comme Carlos Torres, Bob Tyrrell ou Jeff Gogue, pour la première fois les pieds en France), à prendre leur temps, à découvrir Chaudes-Aigues et un petit morceau du Cantal. Avec, le jeudi, un cours de haute cuisine chez le chef doublement étoilé Serge Vieira (voir page suivante).
Pont de singe, tyrolienne, grimpe dans les rochers: avec 26 nationalités représentées sur ce festival et l’anglais comme langue commune, les « amazing » ont fusé. Amazing aussi la vue depuis l’éperon rocheux qui surplombe la solitaire chapelle de Turlande (du XIIIe siècle et que le presque réservé Shane O’Neill a trouvée tout autant amazing) : en contrebas, la rivière s’offre quelques lascifs méandres au cœur d’une nature intacte et, tiens, on se croirait presque en Amazonie.
Somptueux paysages où, si on avait eu son talent, on aurait volontiers, comme Dan Marshall, planté un chevalet: le tatoueur new-yorkais, qu’on connaissait pour ses pièces un peu dark, peint également de très bucoliques aquarelles (et à la vitesse de l’éclair).
L’après-midi s’avèrera plus tranquille et sous un soleil encore plus éclatant, avec une balade en canoë, en kayak (ou en dragon boat chinois !) sur les eaux du lac de Lanau.
Très chouette coin là encore. Et une terrasse sur laquelle l’équipe de choc de Inked serait bien restée plus longtemps. Mais il nous fallait rejoindre le bourg, entièrement mobilisé pour l’occasion.
Parce que là où, on en est sur et certain, beaucoup d’autres petites communes auraient un peu tiré la tronche à l’idée de voir débarquer des « tatoués », Chaudes-Aigues a joué le jeu, largement : du maire, Madeleine Baumgartner (dont le sourire, le dimanche soir, disait beaucoup) aux associations du cru qui étalaient largement leurs stands dans les rues du bourg.
Mention spéciale à l’A.S. Chaudes-Aigues, le club de foot local, pour l’accueil à bras ouverts (et les hamburgers made in Aubrac et autres pountis de Simone!).
Parce que, comme à Morgane de la Belfort Tattoo Family (et sans doute à bien d’autres participants à ce festival), Biche nous manque déjà...
Chez Biche (outre la découverte de la gentiane-myrtille...), on a tenté d’établir quel était le meilleur album des Misfits avec Nikko Hurtado, évoqué́ le tournage de... « Tournée » avec Mimi Le Meaux, pris un cours de finnois avec le crew de Säde Sonck (dont on vous parle plus largement dans la rubrique Icône Internationale)...
Pendant ce premier Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues, on a également fait nos rock critiques avec Jack Ribeiro en décortiquant le nouvel album de Black Sabbath, parlé clébards avec le boss de Doggriderz, spécialiste en conneries importées des U.S.A. (c’est lui qui le dit), noté que Seb et Bettina de Royal Tattoo étaient toujours aussi cools, vérifié que Fabrice Toutcourt de l’Aiguille à Marseille avait un sérieux sens de l’humour, constaté que Yann de l’Attraction Magnétique avait vraiment de bons goûts en B.D., Manu Badet en vins de Bourgogne et Paul Motta (dont, pareil, on vous parle plus largement dans la rubrique Icône) en bagnoles : son hot-rod doit d’ailleurs se retrouver dans tous les albums photos de ce premier festival...
Quelques-unes parmi d’aussi nombreuses qu’amazing rencontres qu’on ne peut évidemment toutes citer. Pour voler une formule à Mric, rédac’ chef de Inked (qui nous pardonnera) : « un aligot saucisse à tous ceux qu’on oublie ! ».
Parce qu’à la différence de nombre de « grandes » conventions, le fait que ce premier Festival du Tatouage soit organisé dans un gros village dont on fait le tour en un petit quart d’heure a sérieusement facilité les rencontres, les échanges, les partages.
D’autant que la météo avait, elle aussi, décidé́ de jouer le jeu. Et qu’un vrai air de vacances flottait sur la petite cité, même si tout le monde était sérieusement au boulot: des bénévoles discrets mais redoutablement efficaces aux tatoueurs en passant par l’équipe d’Inked (si, si : la piscine de l’hôtel Beauséjour n’a même pas vu la couleur de nos board shorts).
Un festival, donc. À « Cantal’Ink the Skin », la très anglo-saxonne première appellation de cet évènement, Stéphane Chaudesaigues a finalement préféré́ celle de « Festival du Tatouage ».
Un clin d’œil à l’autre gros festival auvergnat, celui du théâtre de rue d’Aurillac.
Mais aussi et surtout un symbole d’ouverture, une manière de clairement signifier que cette manifestation était plus qu’une « convention » et s’adressait à tous.
Organisé par une famille (Stéphane, Cécile son épouse, Steven son fils...), ce premier Festival du Tatouage était ouvert aux familles: l’organisation avait prévu animateurs et animations pour occuper les enfants.
Tarifs préférentiels, sinon gratuité : les habitants de Chaudes- Aigues étaient tout autant les bienvenus.
Des habitants de Chaudes- Aigues que Pascal Tourain, par ailleurs maitre de cérémonie de cette première édition, a mis dans sa poche avec une représentation de son « Homme Tatoué » le vendredi soir, dans la salle de cinéma du bourg.
Et comme le constatait Lukas Spira, interviewé par France 3 Auvergne, entre locaux, tatoueurs et tatoués : « la connexion s’est faite ».
Parce que qui dit festival dit nombreuses animations : du spectacle traditionnel polynésien à la performance de Glam Freak. Il y avait même, dès cette première édition, un festival off avec plein de concerts gratos sur la place centrale.
Et un public (6000 entrées payantes, quand même) conquis. Un public qui mixait vrais fans de tattoo (même si, pour certains, comme Patrick et Christine « voir l’encadré » ça ne sautait pas aux yeux) et complets béotiens, comme cette dame âgée, venue en voisine, qui a passé une bonne partie de sa journée à regarder travailler Matteo Pasqualin. Fascinée.
Pour se poser chez Biche évidemment, pour voir si, par hasard, il n’y a pas quelques nouvelles kitscheries accrochées à la façade du Valdom, cette invraisemblable maison de la rue Saint-Joseph. Et surtout pour y voir à nouveau couler l’encre. Et l’eau de la (très photogénique) source du Par, la plus chaude d’Europe avec ses 82°.