Bugs est un précurseur. En 30 ans de métier, il a su imposer son style inspiré du cubisme et des arts décoratifs auxquels il redonne un nouveau souffle sur la peau de ses clients. Ce passionné d’Histoire de l’art, formé aux Beaux Arts de Perpignan, est ainsi parvenu à concilier son penchant pour la peinture moderne et son travail de tatoueur en développant une patte innovante qui a forgé sa réputation. Désormais établi à Los Angeles, Bugs sera de passage en France les 5, 6 et 7 juillet prochains à l’occasion du Festival International du Tatouage de Chaudes-Aigues.
À la fin des années 1970, Bugs achève ses études aux Beaux Arts de Perpignan. Pendant sa formation, il s’est pris de passion pour l’impressionnisme de Van Gogh, le cubisme de Picasso et l’architecture Art Deco, caractéristique des années folles. Son truc à lui, c’est la peinture. Mais son cursus achevé, Bugs découvre le tattoo et y voit une manière de gagner sa croûte. Au départ, tatouer constitue une manière de vivre de son art sans tomber dans le piège de l’artiste bohème et crève-la-faim. Ce sont des années de grande liberté, durant lesquelles le tatouage entame à peine son institutionnalisation. En 1982, Bugs commande un kit de tatouage dans un magazine et fait ses gammes sur des amis proches. En quelques années, il apprend à dessiner des contours propres et s’essaie au remplissage couleur. Voyant qu’il progresse et que sa capacité de création s’en ressent positivement, il envisage de faire carrière dans le tatouage. Mais la France, encore assez conservatrice, n’est pas un terrain propice pour vivre du tatouage. Bugs décide alors de tenter sa chance à Londres où l’art corporel est plus développé que dans l’hexagone.
Londres n’est pas l’eldorado escompté. Les studios de tatouage ne sont pas si nombreux et les tatoueurs établis ne voient pas d’un bon œil ce petit Français venu de sa province pour leur faire concurrence. C’est d’abord dans un petit appartement du cœur de Londres qu’il installe son studio. Sa clientèle, composée pour la plupart de voyous, repose alors sur le bouche-à-oreille. Pour un temps, Bugs se spécialise dans le style celtique. La plupart des candidats au tatouage viennent le voir pour profiter de son savoir faire en la matière. Mais les motifs celtiques finissent par le lasser. Bugs se sent restreint, ne parvient pas à exprimer sa créativité, et son travail s’éloigne de ses aspirations artistiques. L’idée de développer son propre style fait son chemin.
Ces réussites jettent les bases de son style, au croisement du cubisme, de l’art déco et de l’art classique. Pour Bugs, le celtique, c’est fini. Première conséquence : il perd beaucoup de clients. Mais ce décrochage est rapidement compensé par l’accroissement de sa réputation. Bugs commence à se faire connaître et si de nombreux clients lambdas se montrent réticents à l’idée d’arborer une pièce trop originales, dans le monde du tatouage en formation, le style de Bugs marque les esprits. Peu à peu, Bugs rencontre d’autres tatoueurs qui partagent son envie de révolutionner le tatouage, de le replacer dans un contexte artistique pour accroître sa respectabilité. À mesure que les mentalités changent et que le tatouage sort du cercle restreint de l’imagerie marginale, sa clientèle devient mondiale. Mais Bugs continue à dessiner et travailler tous les jours pour améliorer son style, lui faire atteindre sa maturité. Même si ses motifs sont uniques, les échanges réguliers qu’il entretient avec d’autres artistes lui permettent d’apprendre de nouvelles techniques et de faire évoluer son art.
Aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands tatoueurs en activité, Bugs sait que sa réputation est basée sur sa capacité à proposer à chaque client une œuvre unique. Tenu de se montrer chaque jour créatif, Bugs y voit le plus grand défi de son métier, celui de ne pas se répéter, d’avancer sans radoter. Beaucoup de ses clients lui donnent carte blanche : une chance, bien sûr, mais également une grande responsabilité pour celui qui considère que son travail revient à « peindre sur la peau des gens ». Cela induit une relation forte entre le tatoueur et le tatoué qui se vouent l’un à l’autre une confiance aveugle. Cette relation exige aussi une certaine franchise et Bugs ne tatoue pas les clients avec qui il ne se sent pas d’affinité. C’est de cette proximité avec ses clients que naît son inventivité.
Fin 2005, après près de 20 ans passés à Londres, Bugs a l’impression de s’encroûter ; il a besoin d’air. Ce décor inchangé nuit à sa créativité et sa position de patron qui dirige d’autres artistes lui pèse. Il ferme son studio de Camdem et décide de déménager à Los Angeles pour y mener une vie plus calme, plus propice à sa créativité. Il rejoint l’équipe du studio Tabu Tattoo qui l’avait déjà accueilli pour des guests occasionnels.