À peine arrivé sur le parking, les premières estimations sont données par les bénévoles. « Le nombre de visiteurs ? Aucune idée. Mais on a passé presque 70 fûts de bière samedi, autant que tout le week-end l'an dernier. C'est bon signe. »
Une impression confirmée par le sourire de Stéphane Chaudesaigues. « Il faudra attendre lundi pour avoir les chiffres définitifs, mais j'ai bien l'impression qu'il y a plus de monde qu'en 2013. » Du côté des commerçants, le succès ne fait aucun doute.
L'hôtel Beauséjour est implanté depuis 50 ans à Chaudes-Aigues. Michelle l'assure, « nous aurions pu remplir cinq fois l'hôtel ». Et son mari d'ajouter, « ça nous change aussi de notre habituelle clientèle de curistes. On avait des préjugés sur les tatoués. Mais ils sont absolument adorables. Il n'y a jamais aucun problème avec eux, ils font tout pour nous simplifier les choses ».
Rien ne semble pouvoir entacher le moral des troupes. Pas même la pluie qui s'invite entre midi et deux, et qui arrose la file d'attente devant le cinéma où se tient le point d'orgue de cette journée de dimanche. Une conférence avec la présence exceptionnelle de Bruno Cuzzicoli, l'homme qui a ouvert le tout premier salon de tatouage en France. C'était à Pigalle, il y a 50 ans.
À 77 ans, l'homme a gardé toute sa verve. Celui qui se définit lui-même comme « un vestige » du tatouage, va enchaîner les anecdotes et les bons mots devant la salle conquise. Laissant difficilement le micro à ses co-conférenciers.
Pourtant, ses premiers mots s'éteignent dans les larmes. Ému, il se reprend rapidement. « Je n'avais pas réalisé ce que je pouvais représenter jusqu'à cet instant. » C'est que l'homme est discret. Très discret même. Sa venue à Chaudes-Aigues est unique, par amitié avec Stéphane, l'organisateur.
Bruno narre alors une époque de totale clandestinité. Sa fabrication d'aiguilles à partir de balais d'essuie-glace. Ses collaborations avec la chirurgie, l'OMS, la NASA. Sa boutique, rue Germain-Pilon où ont défilé deux rois, les Rolling Stones, Bernard Lavilliers.
Pourtant, Bruno Cuzzicoli est parfois choqué par les tatouages et n'en arbore aucun lui-même. « Le tatouage, on le fait pour soi, sinon c'est de l'exhibition. » Alors à savoir ce qui l'a vraiment passionné dans cette pratique qu'il a totalement défrichée ? C'est la rencontre avec l'autre.
« Le tatouage, c'est la vie à poil », conclut-il dans un sourire espiègle.
Simon Antony