Jeff Gogue a commencé sa carrière de tatoueur en 1999. Dans les années 1990, c’est sur les chantiers qu’il gagnait sa vie, presque au jour le jour. S’il n’avait jamais suivi de cours d’art plastique, la peinture faisait tout de même déjà partie de sa vie : sa mère, peintre reconnue, l’avait toujours encouragé à peindre. Mais Jeff considère qu’il n’est pas un bon peintre et range pour un temps ses ambitions créatives.
Fin 1998, il rencontre le tatoueur Cory Norris, le patron du salon Classic Tattoo, en Californie. Jeff Gogue se prend alors d’intérêt pour les tatouages et trouve en la personne de Norris un mentor prêt à assurer sa formation. Celle-ci durera un an, jusqu’à ce que Gogue décidé de s’installer lui-même comme tatoueur, début 2000.
Pendant ses premières années comme professionnel du tatouage, Jeff Gogue doute beaucoup. La technique l’accapare tout entier ; il est persuadé que son travail n’est pas à la hauteur. En 2007, malgré les trophées remportés dans de nombreuses conventions, dont celle de Londres, le tatoueur californien déclarait encre : « Cette étape de ma vie est tout nouvelle pour moi, puisque j’ai le sentiment que jusqu’à l’année dernière, j’en étais encore qu’à lutter pour acquérir la technique, être déjà capable de manipuler la peinture, l’encre et tout ce qui s’ensuit, je me sentais bien incapable de délivrer un message au-delà de cette discipline ».
Le déclic est pourtant intervenu quelques années auparavant. Entièrement concentré sur ses propres productions, Jeff en oubliait de regarder ce qu’encraient ses pairs. Son quotidien devenait routinier, sa modestie le cantonnant à des petits motifs classiques. Lors d’une convention, il décide pourtant de lever les yeux de son dermographe pour les poser sur le portfolio de Robert Hernandez. Quelque chose se passe : quelques minutes plus tard, Jeff Gogue encre un clown, qui terminera Best of Show. Il découvre ensuite les travaux de Nikko Hurtado, Bob Tyrrell et Joe Capobianco qui viennent encore enrichir son travail. A partir de cet instant, les trophées s’accumulent dans les conventions pour Jeff Gogue qui accepte en même temps qu’il découvre sa singularité artistique.
Contrairement à la plupart des artistes, Jeff Gogue est revenu à la peinture par le tatouage. En 2005, c’est une toile de Frank Frazetta qui libère l’artiste. Après l’avoir recopiée sur un dos, il comprend que la technique qu’il met en œuvre dans l’art corporel est transposable sur toile, qu’il lui suffit de dépasser son appréhension et de considérer le pinceau comme une extension naturelle de sa main, à l’image de ce qu’il fait avec la machine à tatouer. Sa peinture prend alors une autre dimension, et Jeff Gogue n’hésite plus à l’exposer dans des galeries, où elle se vend très bien. D’un seul coup, tout lui sourit. Ses œuvres sur toiles ou sur peau cessent de lui poser problème ; autour de lui, on le félicite. Les motifs japonais qu’il réalise font ainsi l’objet d’un petit mot de la part de plusieurs tatoueurs nippons qui y voient une manière de revisiter leur art plus que de le dénaturer. Jeff Gogue est fier de son travail mais ne cesse pas pour autant de le remettre en cause : pas même quand la prestigieuse convention de Milan lui demande expressément de réaliser son affiche.
Jeff Gogue fera le déplacement, du 5 au 7 juillet, pour le Cantal in’k the Skin, le Festival International du Tatouage de Chaudes-Aigues. Auprès de ses idoles, Nikko Hurtado, Boris ou Bob Tyrrell, il exposera ses œuvres et tatouera : attention, la liste de candidats risque d’être longue ! Vous pouvez réserver votre place sur www.festival-tatouage.com.